Chanter dans tous les styles, mythe ou réalité?
Il n’est pas toujours aisé de trouver ses repères entre les objectifs qu’on se fixe et les techniques vocales enseignées par le professeur de chant. Certes, le progrès est bien présent mais la voix coince toujours sur une chanson. Quant aux tensions corporelles et à la pression psychologiques, elles ne nous quittent jamais.
Cet article est dédié aux élèves venus prendre des cours de chant à Paris qui nous ont fait part d’incohérence entre leur cours de chant et les styles qu’ils souhaitent s’approprier. Malgré la progression, pourquoi cette frustration ne cesse de grandir ?
Le travail fondamental en technique vocale
Lorsqu’on se rend à son premier cours de chant, on se laisse guider par le professeur qui commence d’emblée les vocalises ou qui établit un bilan vocal. Il nous interroge sur notre parcours, nos soucis de santé, nos objectifs, nos styles musicaux… Ce diagnostic vocal nous montre que nos objectifs sont bien plus difficiles à atteindre à cause d’un manque de résonance, de soutien, d’ouverture, d’une fatigue vocale qui survient au bout de quelques notes impliquant du volume. Alors, nous nous investissons dans notre cours de chant et nous répétons les vocalises et les exercices de respiration proposés par notre coach vocal. Nous progressons et oui, nous chantons plus sainement, nous avons un peu plus de volume, une meilleure gestion du souffle et nous gagnons espoir. Pourtant, nous avons l’impression qu’une étape a été oubliée ou qu’elle n’a jamais été franchie.
Exploration vocale improvisée
Très heureux de notre progrès, nous choisissons d’interpréter une chanson d’un style que nous écoutons mais nous ne parvenons pas à la chanter. Alors nous poussons, nous plaçons la voix n’importe où pourvu que ça sonne bien, mais notre voix tremble quand nous cherchons à ajouter du volume. Pourtant, la maîtrise de la respiration et l’optimisation des résonateurs étaient en place !
Comme nous avons travaillé la position de la mâchoire avec notre professeur de chant, nous essayons de la repositionner à notre guise simplement pour trouver le son adapté au style que nous recherchons. Notre public ou nos proches formulent des critiques peu constructives et nous sommes détruits. Les exercices si chers à nos yeux ne nous aident plus et nous sommes perdus à jamais et on finit par se convaincre que le style qu’on voulait s’approprier n’était qu’un rêve irréalisable.
Quelques explication sur les cours de technique vocale
Au début de l’enseignement de la technique vocale, on transmettait uniquement celles de l’opéra qui était le seul style reconnu au XIXe siècle. Les chants populaires étaient très chantés mais ils étaient peu connus, voire rejetés, comme les patois régionaux. Autrement dit, l’histoire de la musique était relativement liée à l’histoire politique, du moins en France. C’est la raison pour laquelle on demandait aux chanteurs souhaitant acquérir les techniques du chant d’ouvrir bien grand, de bâiller pour que ça fonctionne et d’utiliser le ventre pour envoyer. N’oublions pas la différence entre la voix de poitrine et la voix de tête, une notion si chère aux yeux des chanteurs et du coach vocal !
L’évolution scientifique, musicale et vocale
Au fil des siècles, la science a évolué, tout comme les styles musicaux. En effet, la science a démontré qu’une forte pression d’air sous les cordes vocales pouvaient les abîmer et que la notion de voix de poitrine et de voix de tête ne décrivaient qu’un ressenti. Oui, les cordes vocales changent de configuration lorsqu’on monte dans les aigus car elle s’allongent et s’accolent différemment. Certaines méthodes ont inclus les différents types de respiration dans leur enseignement et plus tard, d’autres ont revu et corrigé la notion de soutien.
Quant aux styles musicaux, ils ont évolué très rapidement. Nous avons entendu différents styles et nous avons commencé à entendre des voix considérées comme atypiques à partir des années 50 ou 60. Pour les chanteurs puristes, le volume était considéré comme un forçage et la saturation vocale comme une pathologie à soigner dans les plus brefs délais. Heureusement, la science nous a démontré, encore une fois, qu’on pouvait émettre des sons peu communs très sainement à condition de trouver le bon geste vocal. Nous savons aujourd’hui comment produire un son saturé sainement et consciemment et nous avons identifié différents modes vocaux, ou (qualités vocales » que nous pouvons apprendre ou transmettre. De nos jours, pour un professeur de chant en musiques actuelles, la notion de « voix moches » n’existe plus car elle rentre dans un cadre d’exploration vocale.
Travail sur l’appropriation des styles en technique vocale
Pendant quelques temps, les chanteurs ont dû écouter ces styles sans jamais les travailler. Encore aujourd’hui, certains chanteurs sont effrayés à l’idée d’interpréter des chansons d’Elvis Presley, de Michael Jackson ou de Beyonce. « Attends ! Moi, chanter du Beyonce ou du Laydy Gaga ? C’est impossible ! »
Certes, nous avons tous une identité vocale qui nous est propre. Mais doit-on imiter la voix de son idole pour interpréter sa chanson ? Non, car dans ce cas, nous ne chantons pas mais nous imitons. Or, chanter, c’est être tout simplement soi-même. Pour s’approprier un style, il faut conserver sa signature vocale et ajouter les effets adéquats pour obtenir un style précis.
Citons l’exemple d’une guitare électrique : lorsqu’on joue dans le vide, le son est très petit. Pour la faire entendre, nous allons la brancher à un amplificateur. Ensuite, pour pouvoir jouer différents styles, nous allons lui ajouter les effets appropriés.
La voix fonctionne comme un instrument à vent mais le procédé est le même. Les cordes vocales vibrent mais ce sont nos résonateurs qui amplifient notre voix. Pour les effets, nous jouons avec les différents éléments de notre appareil vocal que nous conscientisons pour naviguer d’un style à l’autre.
Si un imitateur/chanteur parvient à mobiliser ces éléments de façon innée, grâce à la science, nous pouvons apprendre à en faire de même.
Conclusion
Bien sûr, il est indispensable de travailler les techniques fondamentales pour la résonance, la respiration, la posture… Si vous souhaitez vraiment interpréter différents styles, il faut jouer avec votre voix sainement sans avoir peur de l’explorer comme un enfant sur des exercices ou sur les chansons que vous avez choisies. Votre voix est un instrument qui a un potentiel caché. Comme vous pouvez le constater, la technique favorise l’esthétique vocale car pour ajouter les effets, nous nous référons forcément au point de départ, les fondamentaux que l’on peut acquérir en chantant ce qu’on aime. Donc, il vaut mieux se fier à la réalité et oublier le mythe qui se nourrit de notre manque de confiance.